Una sirena en París

La joie qui envahissait Gaspard lui rappelait des souvenirs et les lui faisait oublier en même temps. Celle qui envahissait Lula était neuve. Une joie de première fois. Elle, l’adolescente de six mille ans.

Les fantômes de mes souvenirs sont accoudés au comptoir.

Mais plus elle tentait d'être raisonnable, plus la mélancolie l'envahissait.

–Ça fait comment, l’amour?
–Ça fait comme la joie…
Il prit quelques secondes pour réfléchir et ajouta:
–Mais ça pique.
–Ça… pique?
–Ça pique!

L'histoire se terminait. Fini le joli geôlier, avec ses poissons immangeables, ses colères homériques et sa tendresse d'enfant maladroit. Pour la première fois de sa si longue vie, la sirène ressentait ce picotement étrange. Elle le réalisait clairement, Gaspard allait lui manquer.

Il avait mieux que tout, une véritable sirène. Avec des écailles en saphir et une voix qui brise le cœur dès les premières notes, au sens propre.

La joie l’inondait si fort que son cœur le brûlait. Les démons de l’enthousiasme étaient en train de reprendre le contrôle.

–Faut pas s’inquiéter pour moi. L’amour à mort, j’ai déjà donné le cœur… Il a explosé depuis longtemps.

Tout recommencer. Réinventer sa vie, ailleurs. Devenir quelqu’un d’autre. Brûler le passé.
Apprendre une autre langue, oublier. S’oublier. Faire sauter la banquise!
Laisser tout repousser en lui, rouvrir le champ des possibles, le cultiver! Jeter une volée de graines d’un autre lui-même dans les nuages.
Ensemencer! Ensemencer! Ensemencer!
Disparaître.
Changer de nom.
Repartir pour un tour (de magie), et ne jamais revenir!

«Échapper, s’échapper, travailler à son rêve jusqu’à le transformer en réalité». Un art de vivre et de résister même en temps de guerre, surtout en temps de guerre. Une malice, un pas de côté. Une invitation à voir plus encore qu’à regarder. Destruction de l’esprit de sérieux, ardeur poétique.