El beso más pequeño

Un éclat de mystère qui avait attiré mon attention. Chaque fois que j’essayais de l’approcher, elle s’éloignait. (…) Plus elle jouait à m’éviter, plus je désirais la voir de près, être aspiré par ce courant d’air électrique qui s’intensifiait. Pour la première fois depuis mon accident de cœur, je me laissais aller.

Larme à gauche.

Quand tu pleures, j’ai l’impression d’assister à un enterrement et de recevoir un appel téléphonique. J’ai une sonnerie disco réglée extrêmement fort et l’appareil est coincé dans ma poche.

Je fermai les yeux, sentis ses cheveux couler entre le pouce et l’index de ma main droite. Escalader son cou jusqu’au bord des lèvres interdites s’avéra périlleux. J’en grignotai chaque millimètre, avec la concentration de celui qui verse de l’or liquide dans une fiole.

Mais surtout, j’ai peur du bonheur, maintenant. Je sais le mal que je peux faire. L’idée de décevoir m’empêche de vivre une histoire spontanément. Je crois que je ne suis pas née pour vivre les choses dans la durée, à part l'invisibilité. Je me contente de goûter à quelques friandises de temps à autre, mais je respecte les doses d'amour homéopathiques que je me suis fixées.

Je crois qu’à force de m’être allumée et éteinte si fort, mon corps ne supporte plus l’amour. Si j’y retournais, mes poumons grilleraient comme une ampoule.

Mais à force de me voir disparaître trop longtemps, il s’est lassé. Je sentais qu’il me fallait réapparaître pour ne pas le perdre. J’ai fini par y arriver, mais trop tard. Le temps était passé. Il m’avait un peu oubliée. Après tous ces combats, je ne lui faisais plus le même effet. Je crois que c’est ce qui m’a le plus marquée. Réapparaître après m’être tellement battue pour ça, et avoir l’impression de n’avoir jamais existé.

La première fois qu’un garçon m’a embrassée, je suis restée invisible trois minutes avant de réapparaître.(…) À chaque fois que nos lèvres entraient en collision, même très douce, je disparaissais. (…)

Elle laissa échapper un petit rire, une sorte d’échantillon de complicité gratuit. Le cœur de cette fille invisible était un putain de Rubik’s Cube! J’avais beau le tourner dans tous les sens, je ne parvenais pas à réunir les pastilles de couleurs identiques sur une même face.

On descend parfois si loin sous terre que même l'idée de bonheur effraie. Les yeux du cœur s'habituent à l'obscurité et même la plus douce des lumières devient aveuglante.

J'aimais sentir que je lui ressemblais, mais son miroir me renvoyait également l'image du monstre que j'étais devenu. Ce déçu jusqu'à l'os trimbalant son cœur en mille morceaux dans une boîte, ce puzzle ambulant qui semait ses pièces chaque jour en acceptant de ne plus les retrouver.