El beso más pequeño

Elle avait toujours ses petits airs d’arbre en fleur, avec ce je ne sais quoi de feuille morte au fond du regard. Une douceur brûlée. La bombe d’amour me dit qu’elle m’aimait encore et souhaitait revenir avec moi (…)

Elle souffrait de ne pas parvenir à accélérer ma guérison, mais travaillait tous les jours à assembler les pièces de mon passé, les recoller avec mon présent pour que l’idée de futur puisse se dessiner dans ma tête. Elle travaillait doux. Elle se faisait baume et ça me faisait du bien.

Sept ans de rêves plus grands que la réalité devenus accident d’amour contre une histoire toute neuve avec quelqu’un qui essayait de me sauver. Je glissais, je dérapais. Le vent forçait, se faisait contraire, fabriquait des tourbillons.

Mon grand amour était de retour. Revenu du pays de mes fantômes! (…) Il fallait que je me confronte à elle. L’aimant du passé se réactivait. L’orage magnétique menaçait, m’appelait. Il emportait toutes les particules de mes pensées.

J’avais appris à vivre avec ce trou à la place du cœur. Inventer encore et fabriquer du neuf pour ne pas sombrer. Seul le plus petit baiser jamais recensé était parvenu à s’infiltrer significativement dans les interstices du béton armé que j’avais coulé dans mes artères. Peu à peu j’avais tenté de faire une petite place à Sobralia parmi les décombres. Et voilà que la bombe d’amour que j’avais cru désactivée lançait un nouveau décompte.

Un puzzle désordonné et sans vie, qui comptait des centaines de pièces microscopiques tant ce cœur avait volé en éclats et me rappelait au passé, avec ses joies brûlantes mêlées de désillusions. Je me sentais comme un revenant qui avait été très gourmand dans une autre vie et à qui on servait son ex-pâtisserie préférée.

C’était tendre et morbide à la fois de se reconnecter de façon aussi précise avec les sensations du passé.

À vivre trop longtemps avec un bunker à la place du cœur, on s’habitue à la noirceur. La lumière naturelle me rendait nerveux.

La vie avec la fille invisible ne tenait qu’à un fil, mais qui avait l’avantage de ne s’être jamais rompu. Nous nous faisions croire que nous étions un couple comme tout le monde, même si j’étais devenu une créature de la nuit.

Je me sentais Frankenstein de l’amour. Restait à savoir si le monstre que j’étais déjà n’allait pas se retourner contre moi.