Ueno Park de Antoine Dole
Papa et maman n’ont jamais parlé à personne de ma disparition. Je n’existe plus dans leurs discussions avec les autres, de peur d’avoir à dire aux gens que leur fille est une hikikomori, un fantôme parmi les vivants. Je sais qu’ils ont honte de moi. À mon âge, une jeune fille devrait déjà savoir ce qu’elle va faire de sa vie. Je devrais être dans une bonne école et préparer ma vie professionnelle. Parfois j’entends papa, de l’autre côté du mur, qui dit que je suis lâche et qu’il vaudrait peut être mieux que je sois morte. Il pourrait dire aux autres que sa fille unique n’est plus là. Que c’est triste, car elle aurait sans doute pu accomplir de grandes choses. Morte, ma vie aurait plus de sens à ses yeux que ce gâchis que je l’oblige à contempler chaque jour. Mais je ne suis pas morte. Même si je ne suis plus tout à fait vivante. Je suis interrompue. C’est arrivé, c’est tout. Je n’ai rien décidé. Je n’ai rien voulu. J’allais bien, et la seconde d’après, jétais cassée. Une cassure qui ne se répare pas. J’avais renoncé. À ce monde, qu’ils enfonçaient jusque sous mes paupières et auquel ils me demandaient de prendre part. Aux rêves qu’ils formulaient à ma place. Aux désirs qu’ils plantaient en travers de moi. Je n’étais pas celle qu’ils attendaient. Pas celle qui pourrait répondre à leurs souhaits. Pas celle qui les rendrait fiers. Je n’étais plus leur fille. Alors, tout à coup, je n’étais plus personne. (AYUMI) + Leer más |