Ueno Park de
Antoine Dole
Ici, personne ne sait mon âge, et j'ai pris soin de ne rien dire aux autres. Les nuits passées dehors, à même le sol, brouillent les pistes et nous transforment. Elles nous cassent, nous façonnent, nous préparent à prendre la forme qui nous permettra de tenter de survivre à la rue. Cette apparence, c’est ce qui nous aide à ne plus exister dans le regard des autres. Ce qui nous efface de la société. Ils ne nous voient plus et nous laissent tranquilles. À Ueno Park, nous sommes cette population invisible, tapie dans de minuscules maisons de fortune en carton que le vent renverse. Personne ne vient nous demander qui nous sommes. Et quand certains d'entre nous disparaissent, personne ne les cherche. C'est ça ma vie, à présent. Alors je lutte contre mes souvenirs, contre mon histoire, pour l'oublier. Pour m'oublier.
(NOZOMU)