Sayonara, Mio

Une seule chose avait changé : je ne recevais plus de lettres de toi. Même si c’était là ce que j’avais souhaité, lorsque les lettres ont réellement cessé de venir, mon désir de voir le lendemain s’en est trouvé diminué de moitié.
Demain s’annonçait plus merveilleux qu’aujourd’hui pour la raison qu’il me rapprochait de ta lettre suivante. Ainsi avais-je passé le temps jusque-là, c’est pourquoi tes missives me manquaient cruellement.

«Je pensais pouvoir sortir de ta vie sans un mot. Sans faire d’histoire. Discrètement, doucement. Comme une flaque d’eau au soleil. Disparaître doucement. C’était mon intention.»

Après ces trois années passées dans un même cercle de deux mètres de diamètre, tu avais laissé une part de toi en moi, dans un endroit incroyablement intime. Très proche de celui où résidaient mon père, ma mère, ou encore ma tante. Je savais bien, en mon for intérieur, que cette part de toi qui m’habitait se réjouissait énormément de te retrouver.

Cette voix éveillait quelque chose en moi. Ce quelque chose se répandait dans ma poitrine, affluant à la base de ma gorge, remontant au fond de mes narines et à l’intérieur de mes paupières, et j’ai été saisi de l’envie de pleurer.

Yûji semblait peser la véracité de mes paroles, et pendant un moment il s’est contenté de me fixer droit dans les yeux. À grand-peine, j’ai esquissé un sourire.

«Je ne serai bientôt plus de ce monde, mais lorsque la saison des pluies sera de retour, je reviendrai sans faute voir comment vous vous débrouillez, tous les deux.»

Pour une raison inconnue, son air heureux m’a rendu triste, cependant.

Je ne sais pas pourquoi. En tout cas cela m’affligeait.

Peut-être parce que le bonheur de Nombre semblait si frugal ? Parce qu’une personne si proche de la fin de sa vie devrait avoir les mains plus pleines ?

Peut-être ?

Même l’existence d’un homme banal et sans histoire est remplie de substance. Elle n’est pas vide.