Naissance des coeurs de pierre

Mais il n’est pas l’abri réconfortant, pas le château magique ni la maison en pain d’épices, il est la forêt qui cherche à l’avaler et à la perdre, le méchant ogre affamé qui porte une gueule d’ange.

(…) avec l’impression enfin de faire partie de quelque chose, de cette magie que tant d’autres passent une vie à rechercher.

Il n’a jamais cessé de croire que ce serait possible de lui faire ressentir tout cet amour qu’il a pour elle. Il fallait juste trouver les bons mots, la bonne attitude. Il en devine des signes, parfois. Ou peut-être est-ce lui qui veut trop y voir la preuve dont il a tant besoin. Celle d’exister pour Niline.

Les cœurs de pierre pèsent si lourd que quand on en a un dans la poitrine, on arrête d’avancer. Tout devient immobile.

Il y a pire que d’être vivant et de se sentir mort: c’est d’être mort et de continuer à se sentir vivant. Parce que dans ce monde, cela signifie mourir encore et encore.

(…) il voit seulement briller une larme le long de sa joue, qu’elle essuie aussitôt. Un sursaut de vie dans le corps. Mais le regard au bout de cette larme est mort, plus rien à sauver.

Ce moment d’effondrement. Quand les émotions ne sont plus assez solides pour nous tenir debout, et qu’on n’a plus d’autre choix que de s’en éloigner.

Tout ce qui lui arrive échappe à son contrôle, elle n’a de prise sur aucune surface. Est-ce que c’est ça grandir? Quelque chose de définitif s’est amorcé sans qu’elle n’y puisse rien. Elle aimerait s’arracher de ça. Revenir en arrière. Retrouver cette vie chiante et monotone qu’elle détestait par-dessus tout. Redevenir une enfant.

El n’y a que dans ces moments à l’écart du monde qu’il peut exister. Les contacts avec les autres lui demandent trop d’efforts.

L’espoir qui le portait l’a lâché. C’est le sentiment le plus fragile, face à la cruauté des hommes. Celui qui, dans un monde où rien ne peut changer, où rien ne s’ouvre à la lumière, devient le plus douloureux. L’espoir est d’une violence terrible, quand il est retourné contre soi.