Le Livre d'or de la poésie française (des origines à 1940) de Pierre Seghers
FANTAISIE Il est un air pour qui je donnerais Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber, Un air très vieux, languissant et funèbre, Qui pour moi seul a des charmes secrets. Or, chaque fois que je viens à l'entendre, De deux cents ans mon âme rajeunit : — C'est sous Louis treize ; et je crois voir s'étendre Un coteau vert, que le couchant jaunit. Puis un château de brique à coins de pierre, Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs, Ceint de grands parcs, avec une rivière Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ; Puis une dame, à sa haute fenêtre, Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens, Que, dans une autre existence peut-être, J'ai déjà vue... — et dont je me souviens ! (Gérard de Nerval - XIXème siècle) |